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La renaissance de la Russie

par Matt 25 Juillet 2012, 07:32 Relations internationales

La renaissance de la Russie

Une renaissance de la Russie ?

L’idée d’une renaissance de la Russie, au vue de ses récentes interventions sur la scène internationale, semble progressivement se dessiner[1]. « Russia is back » annonce ainsi le Huffington post dans un article du 14 octobre, une vingtaine d’année après la chute de l’URSS, le cataclysme politique qui a isolé la Russie et l’a laissé engluée dans des problèmes politiques et économiques majeurs. Le retour de la Russie sur la scène internationale en tant qu’acteur majeur que nous observons aujourd’hui (II) est le fruit d’un long travail de reconstruction de l’Etat et de l’économie russes (I), deux phénomènes concomitants à l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en 2000. Toutefois, il convient de s’interroger si cet éveil est durable, on pourra dans ce cas vraisemblablement parler de renaissance, ou s’il est issu d’une « sur-extension » de la puissance russe, et est ainsi vouée à se désagréger à moyen terme.

Une renaissance interne qui n’est pas sans contradiction

La chute de l’URSS a profondément affaibli l’Etat russe. La Fédération de Russie, nouvellement créée ne constituant que 75% du territoire soviétique et la moitié de sa population s’est retrouvée confrontée à de grandes difficultés internes qui l’ont empêché d’agir en tant qu’acteur important dans les relations internationales. Ces difficultés étaient à la fois d’ordre politique et économique.

Le rétablissement d’un Etat russe, fort, centralisé et pacifié

La première grande difficulté qu’a connue la Fédération de Russie dans ses développements initiaux fut sa faiblesse vis-à-vis de certains de ses sujets fédéraux tels les Républiques[2] ou les Okrougs autonomes. Théoriquement, la hiérarchie des normes donne à l’Etat fédéral la suprématie sur les entités fédérées toutefois 25 à 35% des textes législatifs régionaux violent les textes fédéraux[3] à la fin des années 1990. En outre, les recettes des impôts ou des privatisations ont été largement détournées par les collectivités locales. Afin de mettre fin à cette situation, de nombreuses mesures ont été mises en place dont un nouvel échelon administratif, les districts fédéraux, dirigés par un gouverneur nommé par le Président de la fédération de Russie. Les dirigeants des régions autonomes ne sont en outre plus élus, mais désignés par le pouvoir central depuis 2004. Ces mesures, prises à l’initiative de Vladimir Poutine, ont conduit à un renforcement considérable du pouvoir fédéral et de facto de l’Etat russe.

La République de Tchétchénie est allé jusqu’à proclamer son indépendance (1991). Après une première défaite militaire russe en 1996, Vladimir Poutine relance les opérations militaires dès son accession au pouvoir et met fin à la rébellion (l’opération prend fin officiellement le 16 avril 2009), réalisant ainsi la pacification de la Fédération après une vingtaine d’année de chaos.

La Russie a, dans les années 2000, partiellement réduit l’influence des oligarques au sein de la décision politique qui nuisait grandement à l’unité de l’Etat et contribuant à son état de corruption généralisé, en conduisant et en condamnant parmi les plus importants devant la justice[4] ou en les forçant à l’exil[5].

Après la décadence post-URSS, l’armée russe s’est modernisée et son budget est en hausse continuelle[6].

Par ailleurs, La croissance économique de la Russie depuis une dizaine d’année est considérable[7] et profite de son immense territoire, pourvoyeur de ressources considérables en matière énergétique. L’Etat russe s’est ainsi désendetté en une décennie et se situe en termes de PIB nominal à la 8ème place.

Des lacunes considérables

Le PIB russe reste faible par rapport aux autres grandes puissances – représentant environ 15% du PIB américain. Surtout – la structure de son économie est largement orientée dans l’exploitation de matières premières, illustrant bien le retard de l’économie russe dans les domaines agricoles, des industries avancées ou des services. La corruption reste largement présente dans le pays[8] , et la Russie ne parvient pas à attirer des investisseurs de par l’absence de « rule of law » inhérente aux pratiques arbitraires des pouvoirs publics dans le domaine économique[9].

Les analyses de l’ONU tendent à unanimement souligner le risque d’une baisse considérable de population vivant en Russie d’ici 2050[10], de par la faiblesse du taux de fertilité, une espérance de vie très moyenne et un taux de mortalité particulièrement important. Avec une population faible par rapport aux géants asiatiques ou aux Etats-Unis, on peut s’interroger sur la capacité de la Russie à constituer un acteur mondial majeur dans les trente prochaines années.

La renaissance de la diplomatie russe

La diplomatie russe s’est, ces cinq dernières années, illustrée par son implication renouvelée dans les affaires mondiales. Elle se caractérise par une défense de ses intérêts et une influence de plus en plus grande dans les pays qui lui sont proches ou frontaliers.

L’influence grandissante de la Russie dans les pays proches

Dans le bras de fer se jouent l’Union Européenne et la Russie pour l’intégration de certains pays de l’Europe de l’est dans leur bloc respectif, la Russie semble avoir eu ces dernières une longueur d’avance : d’une part, l’Ukraine a mis fin aux négociations visant à la rapprocher de l’UE en novembre 2013[11] ; il en est de même de l’Arménie le mois précédent. L’Union Eurasiatique, projet politique et économique, qui a prétention à unir certains anciens pays de l’URSS, semble en outre en bonne voie, et complètera la Communauté des Etats indépendants (CEI) qui comprend déjà onze des quinze ex-républiques soviétiques. De plus, l’intervention de la Russie en Ossétie du Sud ou le blocage qu’elle exerce dans la constitution d’un bouclier anti-missile américain en Europe ont démontré la capacité du pays à savoir défendre ses intérêts et à agir comme un hégémon dans les régions qu’elle considère comme étant de sa sphère d’influence directe (Caucase, Asie centrale).

Une puissance à l’échelle mondiale

La Fédération de Russie est un intervenant régulier dans les affaires mondiales et un des rares acteurs à pouvoir les influencer de façon importante[12]. La diplomatie russe s’est récemment, par exemple, illustrée par le règlement du conflit diplomatique lié à l’intervention syrienne en proposant le contrôle des armes chimiques syriennes, ou en accueillant le sommet du G20 à Saint Pétersbourg. De plus, la Russie a constitué un large réseau de coopération avec les principaux marchés mondiaux, tels l’APC (avec l’Union Europe), ou l’organisation de coopération en Shanghai (pour l’Asie) ; en plus de mettre en place des coopérations bilatérales diverses[13].

Une puissance à l’avenir incertain

La Russie mène une politique de puissance au niveau internationale, toutefois, certains éléments d’incertitudes restent à clarifier concernant son avenir. D’une part, l’unification et la centralisation de la Fédération de Russie étant particulièrement attachée à la personne qui l’a mise en place (Vladimir Poutine), on peut s’interroger si elle lui survivra à terme. L’élection triomphante de Vladimir Poutine, en 2012, illustre, en outre, l’incapacité de l’opposition russe à apparaître crédible. D’autre part, le potentiel de croissance de la Russie reste limité par son déclin démographique, qui n’est pas non plus à négliger en ce qu’il pourrait empêcher la Russie de rester une grande puissance à long terme. D’après les prévisions de l’ONU, sa population devrait atteindre seulement 121 millions d’habitants en 2050, soit ainsi, près de treize fois moins que l’Inde, ou quatre fois moins que les Etats-Unis.

[1] Cette renaissance est d’autant plus crédible que ce n’est pas la première fois que la Russie sort de la politique internationale pour se reconstituer après un cataclysme politique - elle l’avait précédemment déjà réalisé après les invasions mongoles du XIIIème siècle et à la Révolution Russe de 1917 qui l’avait laissé dans un chaos considérable.

[2] Qui disposent d’une large autonomie et d’une propre constitution

[3] « La Russie contemporaine », Jean Charles Lallemand

[4] Mikhaïl Khodorkovski

[5] Boris Berezovski, Vladimir Goussinski

[6] Le budget de la défense a été multiplié par quatre en 2000 et 2007, il est en 2010 équivalent à celui de la France et du Royaume Uni, mais reste largement inférieur à celui des Etats-Unis ou de la Chine.

[7] Taux de croissance annuel moyen du PIB de 6,7% entre 1999 et 2005 ; Son PIB est aujourd’hui de 2000 milliards de $, contre 200 milliards de $ en 1999.

[8] Le Transparency Index classe la Russie à la 133ème, soit au niveau du Nigéria.

[9] Le classement « Doing Business » de la Banque Mondiale classe la Russie à la 112ème place, soit au même niveau que l’Egypte

[10] La Russie devrait passer de 143 millions d’habitants aujourd’hui à 121 millions d’habitants en 2050 d’après les projections établies selon le scénario central des projections de population de l'Onu ("medium fertility variant").

[11] La Russie dispose en outre d’un outil de pression en Europe de l’est qu’est la distribution d’énergie fossile, qu’elle a exercée pendant en janvier 2006 et 2009

[12] La Fédération dispose notamment de l’arme nucléaire et d’un siège au conseil permanent de sécurité.

[13] Datant de novembre 2013, le dernier en date est probablement la coopération militaire et économique menée avec le Vietnam

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