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Un territoire de santé, pour quoi faire ?

par Matt 23 Septembre 2016, 13:52

Construit de façon anarchique, le parc hospitalier français a nécessité à partir des années 1970 une restructuration de la répartition géographique de l’offre de soins. C’est sur la base de la carte sanitaire, mise en place par la loi Boulin du 31 décembre 1970, que cette réorganisation a initialement eu lieu : il s’agissait d’un découpage géographique du territoire national (en zones, régions, et secteurs sanitaires) qui planifiait la création d’établissements, de nouveaux lits et des activités de soins. Ce système s’est toutefois révélé imparfait : dans Planification sanitaire, méthode et enjeux, Basset et Lopez (1997) ont montré qu’elle ne permettait pas une réelle restructuration de l’offre de soins hospitalière.

Pour cette raison, dans le cadre du plan « hôpital 2007 » a été décidée une réforme d’envergure de la planification hospitalière, en soulignant que le dispositif alors en place était peu lisible et d’une efficacité limitée. C’est à la suite de ce constat que la notion de territoire de santé a été introduite par l’ordonnance du 4 septembre 2003. D’abord centrées sur l’hôpital, les compétences des territoires sont élargies par la loi HPST, de façon à les faire correspondre à celle des Agences Régionales de Santé (ARS).

Il s’agissait, par le territoire de santé, de corriger ce qui était perçu comme les défauts des secteurs sanitaires, qu’il vient remplacer. C’est pour cette raison qu’il dépasse la logique de planification hospitalière et tend à s’approcher d’une approche globale basée sur l’évaluation des besoins. Le territoire de santé s’inscrit dans une logique de compétence globale : l’objectif, en effet, qui a justifié sa mise en place, était celui du décloisonnement. Il s’agissait de sortir d’une vision strictement hospitalière de l’offre de soins et d’optimiser l’ensemble du service rendu à la population, en associant la médecine libérale, le secteur hospitalier et le secteur médico-social. Il fallait, également, simplifier une planification hospitalière décrite comme trop complexe.

S’inscrivant dans le SROS, le territoire de santé une déclinaison territoriale de la politique régionale de santé (I), mais aussi un échelon de la démocratie sanitaire (II).

Le territoire de santé permet la déclinaison territoriale de la politique régionale de santé des Agences Régionales de Santé (ARS)

Les territoires de santé constituent le premier niveau du découpage géographique des SROS : ils couvrent le champ de compétences des ARS et c’est en son sein qu’elles y déclinent la politique régionale de santé. Ils sont définis par les ARS (« définit les territoires de santé pertinents pour les activités de santé publique, de soins et d’équipement des établissements de santé, de prise en charge et d’accompagnement médico-social ainsi que pour l’accès de premier recours. » et peuvent être « infrarégionaux, régionaux ou interrégionaux. » (art. 1434-16, CSP).

Dès leur origine, ils ont contribué à mettre en place une gradation des soins, c’est-à-dire, l’adaptation des moyens à la gravité des pathologies. Cela s’incarne notamment par deux circulaires : la première, émise par la Direction de l‘hospitalisation et des soins (DHOS) date de 2004 et distingue cinq niveaux de prise en charge hospitalière : un niveau de proximité (soins de premier recours), un niveau intermédiaire (médecine polyvalente), un niveau de recours (soins spécialisés), un niveau régional (prestations spécialisées non assurées par les autres niveaux) et interrégional (certaines activités, comme la neurochirurgie). La seconde, plus récente, datant du 1er août 2011 confirme la nécessité de graduer les prestations de santé.

En outre, avec la loi HPST (2009), le rôle des territoires de santé s’est largement accentué en ce qu’ils prennent désormais en compte l’ensemble du champ de compétence des ARS, plus large de celui des anciennes ARH décrites comme hospitalo-centrées. Le territoire prend désormais en compte toute la politique de santé : les soins ambulatoires, les soins d’aval, etc. Il s’agit, plus généralement de s’inscrire dans une approche globale de la promotion de la santé, comprenant prévention, accompagnement aux soins, soin hospitalier, recours au médico-social. En outre, avant la loi HPST, les ARH pouvaient retenir différentes configurations selon le type d’activités. La circulaire du 24 février 2011 a proposé au contraire que les territoires de santé soient dès le départ dans une logique de compétence globale pour toutes les activités autorisées. Les territoires prennent également en considération une grande diversité d’acteurs : le secteur médico-social, le secteur hospitalier, la médecine libérale. Ils tendent ainsi, à décloisonner la politique de santé et vise à sortir d’une vision strictement hospitalière de l’offre de soins.

Un territoire de santé, pour quoi faire ?

Enfin, le territoire de santé permet de servir de cadre de rationalisation de l’offre de soins par rapport à la carte sanitaire. Le dimensionnement des territoires de santé a été redéfini par les ARS fin 2010. Il est variable : le Limousin a organisé l’espace régional en un seul territoire de santé, d’autres par département (ile de France), etc. Il en résulte que le nombre de territoires de santé est passé de 159 à 108, soit une diminution d’environ 32 %. Il est aussi un outil d’anticipation en ce qu’il permet d’observer les évolutions prévisibles en termes d’aménagement du territoire, de l’offre de santé, des technologies et de la démographie des professionnels.

Le territoire de santé permet la mise en place d’une nouvelle gouvernance et de promouvoir l’établissement d’une démocratie sanitaire

Les territoires de santé contribuent également à adapter la politique sanitaire et le déploiement des activités et des équipements aux comportements et aux caractéristiques de la population, ainsi qu’aux réalités locales. Ils contribuent ainsi à assurer un équilibre entre les territoires et l’égalité de tous devant la santé. Cela s’exerce, d’une part, par l’organisation de partenariats entre les pouvoirs de décision (conseils généraux, préfets, assurance maladie) et les acteurs de terrain de la politique de santé (établissements, monde associatif).

Surtout, c’est la conférence de territoire qui contribue à cette adaptation aux besoins. Il s’agit d’un lieu de concertation, obligatoire dans chaque territoire de santé. Composée de représentants d’acteurs locaux de santé, elle participe à l’identification de besoins et à leurs réponses. Elle dispose d’une compétence de proposition au directeur général de l’ARS sur l’élaboration, la mise en œuvre, l’évaluation et la révision du projet régional de santé. Il s’agit, ainsi, d’un acteur important de la démocratie sanitaire. Elle a également la possibilité d’établir des contrats locaux de santé avec l’ARS, les collectivités territoriales et leurs groupements. Travaillant en coopération avec la conférence régionale de santé et de l’autonomie (CRSA), les conférences participent à l’élaboration du Projet régional de santé.

Ce changement sémantique correspond à une évolution importante de la conception de l’espace dans la planification sanitaire : de simple contenant, le territoire devient un élément visant à structurer l’organisation sanitaire. Toutefois, ce mouvement reste encore limité en ce que le pouvoir véritable en termes d’organisation reste limité pour les territoires de santé.

En tous cas, comme l’écrit Amat-Rose (La territorialisation de la santé : quand le territoire fait débat), l’émergence du territoire de santé marque le développement d’une logique de santé publique qui ne s’appréhende plus uniquement à partir du soin ou de la maladie, mais de façon globale, en intégrant son environnement. Ils participeront probablement à la résolution des difficultés que connaît le système de santé français. Le rapport Bernier (2008) évoque ainsi des difficultés en ce qui concerne l’accès aux soins qui pourraient être résous par une meilleure planification territoriale : des phénomènes de files d’attente importante, un déficit d’offre de soins à tarifs opposable dans certaines zones, un dispositif de permanence des soins aléatoire et l’éloignement géographique des professionnels de santé (« déserts médicaux »).

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