Système international (SI) : L’ensemble constitué par des unités politiques qui entretiennent les unes avec les autres des relations régulières et qui sont toutes susceptibles d’être impliquées dans une guerre générale.
Sont membre à part entière d’un SI les unités dont tiennent compte, dans leur calcul des forces, les responsables des principaux Etats. C’est un système qui ne comporte qu’un petit nombre d’acteurs. La structure des SI est toujours oligopolistique. Ce sont les acteurs principaux qui vont réellement determiner le système (Cf. si le régime intérieur d’un Etat change, le système change).
Configuration des rapports de forces
- Limites du système ? Quelle est la répartition des forces entre les divers acteurs ?
Avant 1945, il n’y avait pas de SI englobant l’ensemble de la planète. A l’époque la Chine par exemple était exclu du système européen pour deux raisons : la distance physique et la distance morale entre les cultures. Le critère de la distance est essentiel pour définir l’appartenance au système (« n’appartient à une troupe que les acteurs qui jouent dans les pièces »). Mais l’incertitude des limites ne tient pas seulement à la dualité de la participation diplomatique ou militaire et de la parenté culturelle. Elle tient aussi à l’élargissement, parfois rapide, du champ diplomatique, en fonction de la technique et des évènements politiques.
- Le SI s’étend à mesure que les unités elles mêmes grandissent et devient capable d’occuper un espace historique plus vaste.
La géographie du champ diplomatique ne se modifie pas ou ne modifie que lentement. En revanche, la force de chaque unité et les groupements se modifient, parfois rapidement. Ce n’est donc pas la géographie mais la projection d’un certain rapport des forces qui suggère l’idée d’une amitié ou d’une inimité, permanente ou non. La répartition géographique des alliances exerce une influence sur le cours de la diplomatie. Selon les espaces qu’elles occupent, les unités politiques ont d’autres ressources, donc d’autres objectifs.
Malgré tout, l’aspect essentiel d’un SI est la configuration d’un rapport de force. Pour définir au mieux cette configuration, il est possible d’opposer deux configurations typiques.
-Multipolaire : rivalité diplomatique se déroule entre plusieurs unités, qui appartiennent à la même classe.
-Bipolaire : deux unités surclassent toutes les autres de telle sorte que l’équilibre n’est possible que sous forme de deux coalitions, les autres Etats étant obligés de s’agréger au camp de l’un ou l’autre des grands.
Quelle que soit la configuration, les unités politiques comportent une hiérarchie, déterminée essentiellement par les forces que chacune est supposée capable de mobiliser.
- La répartition des forces, sur le champ diplomatique, est une des causes qui déterminent le groupement des Etats. (Cf. deux Etats dominants sont presque inévitablement ennemis).
Mais les alliances ne sont pas forcément l’effet mécanique du rapport de force : les Grands sont en conflit à cause de leur divergence d’intérêt et les autres se joignent à l’un ou l’autre camp, soit par intérêt, soit par préférence sentimentale, soit par souci d’équilibre.
Systèmes homogènes et hétérogènes.
Systèmes homogènes : ceux dans lesquels les Etats appartiennent au même type, obéissent à la même conception politique ; Les systèmes homogènes sont à premières vues plus stable, et limitant la violence : les gouvernants sont conscients des intérêts dynastiques et idéologiques qui les unissent en dépit des intérêts nationaux qui les opposent. Le meilleur exemple est celui de la Sainte Alliance. Système qui limite la violence. Ils sont plus prévisibles par la présence de régimes traditionnels, non improvisés qui obéissent à des règles et des coutumes. Systèmes dans lequel on a une distinction entre ennemi étatique et adversaire politique.
Système hétérogènes : ceux dans lesquels les Etats sont organisés selon des principes autres et se réclament de valeurs contradictoires. Au sein d’un système hétérogène, l’ennemi est également un adversaire politique au sens où la défaite porte atteinte aux intérêts de la classe gouvernante et non pas seulement de la Nation. Cet entrecroisement aggrave l’instabilité du système : l’appartenance des Etats à l’un ou l’autre camp est remise en question par l’issue des rivalités intérieures. Ainsi, les luttes des partis deviennent objectivement des épisodes de conflits entre les Etats. Les phases de grandes guerres (de religion, révolution, empire et guerres du 20e) ont coïncidé avec la mise en question du principe de légitimité et de l’organisation des Etats.
Exemple du système européen de 1914 : homogène ou hétérogène ?
En apparence homogène : les Etats se reconnaissent mutuellement, pas d’idéologie se voulant plus puissante qu’une autre, pas de classe gouvernante ayant pour objectif de renverser le régime d’un autre pays… mais cette homogénéité n’était apparente qu’en tant de paix, de nombreuses fissures étaient décelables, que la guerre s’est chargée d’élargir (Cf. le rapport entre populations et Etat : le problème des nationalités dans des royaumes tels que l’Allemagne, l’Italie ou l’Autriche-Hongrie).
Semi-homogène en 1914, le système européen est devenu irrémédiablement hétérogène en 1917 à la suite de la fureur des luttes nationales (et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes). Après 1945, le champ diplomatique s’étendit aux limites de la planète et le système diplomatique, en dépit de toutes les hétérogénéités internes, tendit à une homogénéité juridique, dont l’ONU est l’expression.
Société transnationale et système international
Les SI englobent les unités qui ont, l’une avec l’autre, des relations diplomatiques régulières. De telles relations s’accompagnent de relations entre les individus qui composent ces unités.
- Ainsi, les SI sont l’aspect interétatique de la société à laquelle appartiennent les populations, soumises à des souverainetés distinctes.
La société transnationale se manifeste par les échanges commerciaux, les migrations de personnes, les croyances communes, les organisations, les cérémonies, les compétitions ouvertes aux membres de toutes ces unités. Ex : une société transnationale s’était constituée avant 1914 et tente de se reconstituer aujourd'hui – en revanche, dans l’Europe et le monde entre 1946 et 1953 les échanges et la communication entre les Etats étaient très faibles, rupture totale avec la société transnationale.
A toutes les époques la société transnationale a été réglementée par des coutumes, des conventions ou un droit spécifique. Pour Aron, c’est le droit international privé qui réglementerait cette société. En revanche, les propositions, interdits et obligations consignés dans les traités entre les Etats sont constitutifs du droit international public.
- Question essentielle : Jusqu’à quel point les RI, en temps de guerre ou de paix, sont-elles soumises à un droit ?
Les Etats ont conclu de multiples accords, conventions ou traités. L’extension de la loi internationale traduit l’élargissement des intérêts collectifs de la société transnationale ou du SI. Le droit international modifie-t-il pour autant l’essence des rapports interétatiques ? Les obligations du DI sont celles qui résultent des traités, signés par les Etats ou de la coutume.
- Mais il existe des formules vagues qui vont influer sur les hommes d’Etats mais également sur l’interprétation du droit positif (« droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », « principes des nationalités », « sécurité collective »…) On a un DI à interprétation diverses.
Les droits des Etats entrent en vigueur du jour où les Etats eux-mêmes sont reconnus. Les rebelles organisés ne vont bénéficier d’aucun droit, d’aucune protection légale. S’ils exercent l’autorité sur une partie du territoire, ils obtiennent certains droits de belligérants et va apparaitre comme un gouvernement rival : l’issue de la guerre déterminant la légalité ou de l’illégalité des belligérants.
- Le DI ne fait que renforcer l’idée d’un arbitrage par la force. Ex en Algérie ou le FLN est passé de la bande de « rebelles » au « gouvernement en exil ».
Les normes juridiques ont besoin d’être interprété. Or le DI ne détermine par d’organe qui détiendrait l’autorité suprême : chaque signataire peut donc interpréter le traité comme bon lui semble. Existence aujourd'hui d’interprétations incompatibles : reconnaissance d’un Etat par certains et pas par d’autres.
- L’interprétation juridique, même concrètement improbable, est utilisée comme instrument de guerre subversive, un moyen de pression diplomatique.
Légaliser la guerre ou la mettre hors la loi ?
Avant 1914, le DI prévoyait les formes dans lesquelles la guerre devait être déclarée : il légalisait et limitait la guerre et n’en faisait pas un crime. La guerre étant légale, les Etats se combattaient et non les personnes. Les juristes auraient alors souscrit plus ou moins à la formule de Montesquieu selon laquelle « le droit de défense naturelle entraine quelquefois la nécessité d’attaquer ». Rousseau dans le Contrat social, va quant à lui insister sur le fait que la violence doit se limiter au choc des armées, que « l’Etat ne peut avoir d’ennemi que d’autres Etats, et non pas les hommes ». Dans ce cadre, le DI est constitué par les engagements pris, implicitement ou explicitement, par les autres Etats les uns à l’égard des autres. La guerre est donc un état juridique qui suspend la plupart des obligations que contractent les Etats en temps de paix.
Pour d’autres philosophes, la guerre ne devait plus être un épisode des rapports interétatiques, elle devait être mise hors la loi. Naissance de la SDN, dont la tâche était de maintenir la paix, puis le pacte Briand-Kellog qui proclamait l’illégalité de la guerre en tant qu’instrument de la politique.
- Echec de ce système juridique en raison d’Etats insatisfaits qui ont voulu modifier l’ordre établi ; et que le SI n’avait pas les moyens d’imposer ses changements de manière pacifique ou de contrer les Etats révolutionnaires.
Mais ce formalisme juridique visant à exclure la guerre comme moyen de régler ces différents n’a pas été abandonné pour autant. En 1945, on a tenté de se servir de DI mettant la guerre hors la loi pour punir les chefs nazis (cf. procès Nuremberg).
- Que résulte-t-il de cette criminalisation de la guerre ? S’agit-il de punir non l’Etat ou la nation mais les personnes par l’intermédiaire desquelles l’Etat a commis le « crime contre la paix » ?
Equivoques de la reconnaissance et de l’agression
L’ordre juridique, créé après la WW2 et dont l’ONU est l’expression s’étend désormais à la quasi-totalité des populations du globe ; et de ce fait même, il s’applique à des réalités historiquement et politiquement hétérogènes. Evolution incontestable : il y a 50 ans, l’égalité juridique était accordée à peu d’Etats en dehors de la sphère européenne et américaine, aujourd'hui elle est accordée à tous, quelles que soient leurs ressources ou leurs institutions.
L’hétérogénéité politique fait peser une hypothèse sur l’ordre juridique. Etats communistes et Etats démocratiques ne sont pas seulement autres, ils sont en tant que tels ennemis ; ils ne représentent donc pas le caractère pacifique qui leur permettrait selon la Chartre de participer aux N-U. Face à ces critères, la notion de « reconnaissance » apparait décisive dans le SI. Les mêmes faits ne vont pas recevoir la même qualification juridique selon que tel gouvernement ou tel autre est « reconnu » légal. Ce problème de reconnaissance est au centre des débats diplomatiques depuis 1945.
Selon la coutume, les Etats jouissent d’une certaine liberté de reconnaitre tel Etat qui vient de naitre ou tel gouvernement qui vient de prendre le pouvoir. L’arme de non-reconnaissance est finalement, le plus souvent, peu efficace. Deux formes de reconnaissance :
-De facto : consiste à traiter une autorité de fait, tout en lui déniant une existence légale.
-De jure : Soit les régimes des Etats qui se reconnaissent ne sont pas opposés et à ce moment là, la reconnaissance vaut en toutes circonstances. Soit les régimes sont opposés et alors la reconnaissance est plus difficile.
Par ailleurs, il semble difficile d’aboutir à une définition unanimement acceptée de l’agression. Pour Aron, une telle définition semble impossible et inutile. Par le terme d’agression, les diplomates, juristes ou citoyens désignent un emploi illégitime, direct ou indirect, de la force. Mais le critère légitime ou illégitime de la force semble difficile à établir. De plus l’emploi de la force n’est pas la seule forme d’agression, les moyens divers de la contrainte ou d’attaque économique, psychologique, politique, doivent eux aussi être condamnés.
- Dans un système homogène, il est impossible de définir l’agression parce que le recours à la force est intrinsèquement lié aux relations entre Etats qui se veulent indépendants.
- Dans un système hétérogène, il est impossible de définir l’agression parce que les régimes aux prises s’attaquent en permanence les uns les autres et commettent le crime d’agression indirecte ou idéologique.
Dans un rapport de l’ONU, on considère que « sera reconnu coupable d’agression indirecte » l’Etat qui :
-Encourage les activités subversives dirigées contre un autre Etat (terrorisme, sabotage…)
-Fomente la guerre civile dans un autre Etat
-Favorise un soulèvement dans un autre Etat, ou des changements de politiques favorables à l’agresseur. »
Le comité Politis en 1933 avait défini l’agression par énumération des cas :
-Déclaration de guerre à un autre Etat
- Invasion par les forces armées du territoire d’un autre Etat (même sans déclaration de guerre)
-Attaque par des forces terrestres, navales ou aériennes du territoire, navires d’un autre Etat
-Blocus naval des côtes ou des ports d’un autre Etat
-Appui donné à des bandes armées, qui formées sur son territoire, auront envahi le territoire d’un autre Etat.
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