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La place de l'usager dans l'organisation et le fonctionnement de l'hôpital public

par Matt 9 Novembre 2016, 08:35

La place de l'usager dans l'organisation et le fonctionnement de l'hôpital public

La représentation institutionnelle des usagers dans le domaine de la santé a été tardive si on la compare à celle des autres services publics (enseignement, transport collectif). Les causes qui expliquent ce retard sont multiples. Tout d’abord, la faiblesse relative de l’organisation des associations de malades est, en France, notable. D’autre part, on peut également évoquer la légitimité, accordée de façon pendant longtemps exclusive, aux élus ainsi qu’aux représentants officiels des assurés sociaux pour représenter les usagers. Enfin, le sentiment que les professionnels de santé sont les premiers qualifiés pour évaluer les besoins sanitaires et les porte-parole naturels des patients et de leurs familles fut largement partagé, et a contribué à ralentir la progression de l’influence des usagers au sein de ce service public.

Progressivement, toutefois, s’est propagée l’idée que donner une plus grande place à l’usager permettrait d’améliorer la qualité des soins et des prestations des établissements de santé. Les droits du patient et de ses proches sont mieux reconnus, des efforts d’association des usagers aux décisions structurelles ont été réalisés bien qu’une insatisfaction persiste en termes des besoins individuels, d’information collective et individuelle et de prise en compte limitée de la parole des usagers. L’IGAS, dans son rapport annuel de 2012 consacré à l’hôpital, donne une triple nature à l’usager : Il s’agit tout d’abord d’un patient confronté à la nécessité d’une prise en charge efficace de ces besoins. C’est ensuite un consommateur qui doit pouvoir opérer un choix éclairé dans sa recherche soins et disposer pour cela d’une information adaptée. C’est enfin un représentant au sein des instances hospitalières qui doit être en mesure de comprendre les évolutions majeures de l’établissement et de faire entendre son point de vue et ses préoccupations.

Au cours de ces trente dernières années, l’hôpital a effectivement appris au fil du temps à accorder une place significative à l’usager tant dans sa propre prise en charge (I) que dans la gouvernance des institutions (II).

Les usagers, au centre des préoccupations des établissements, sont appelés à devenir les acteurs de leurs propres soins

Un certain nombre d’éléments vient démontrer que l’usager, en tant que patient, tend à devenir le centre des préoccupations des établissements de santé et à influencer leur fonctionnement. D’une part, cela s’incarne par la mise en place d’outils permettant de mesurer la satisfaction des usagers. Ainsi, c’est dans cet objectif qu’a été mise en place l’enquête I-Satis en 2012-2013. Cela s’explique par le fait que les hôpitaux publics veillent, de plus en plus, à écouter les demandes des usagers, et tentent d’être attentifs à leurs attentes. Pour illustrer ce phénomène, on peut, par exemple, évoquer la notion de « bientraitance » qui tend à être largement promue par les pouvoirs publics. Cette préoccupation est née après de multiples plaintes d’associations agrées et d’usagers, de « maltraitance ordinaire » dans les hôpitaux publics : le collège de la HAS dans son introduction au rapport Compagnon-Ghadi écrit : « certaines plaintes d’usagers témoignent d’attentes interminable et inexpliquées, d’entraves et de contraintes qui paraissent absurdes, d’un manque d’écoute, de considération ou d’information. C’est ce qui est appelé la maltraitance ordinaire ». En réaction à ce risque, la HAS a produit un guide de la bientraitance en établissement de santé et la Loi HPST a disposé que les ARS « contribuent à la lutte contre la maltraitance et au développement de la bientraitance ».

Non seulement une écoute approfondie est donnée aux patients, mais les pouvoirs publics tendent à faire participer l’usager à sa propre prise en charge. On peut illustrer ce phénomène par l’accroissement de l’importance donnée à la notion de consentement aux soins par les lois du 29 juillet 1994 et du 4 mars 2002, qui doit demeurer libre et éclairé. On peut également citer l’importance grandissante des préférences des patients dans la décision finale thérapeutique prise par le médecin. Enfin, dans le prolongement de l’affirmation de l’autonomie souhaitable du patient, notamment grâce à l’information, s’est exprimée depuis quelques années une attente : celle d’un rôle actif dans sa prise en charge, au travers de l’éducation thérapeutique, mais aussi comme veilleur vigilant face aux risques (prévention). Il ne s’agit plus simplement de respecter la dignité du patient, de l’informer, mais bien de l’impliquer dans sa propre prise en charge pour optimiser les résultats de ses soins. L’article 84 de la loi HPST contient : « l’éducation thérapeutique du patient s’inscrit dans le parcours de soins du patient. Elle a pour objectif de rendre le patient plus autonome en facilitant son adhésion aux traitements prescrits et en améliorant sa qualité de vie ». L’éducation thérapeutique s’est montrée efficace pour le traitement des maladies chroniques.

Pour que ces dispositifs fonctionnent, la nécessité d’une information individuelle et collective est importante pour les usagers. Dans ce cadre, une circulaire de la DGOS du 6 juin 2001 favorise les formations autour des droits des patients. La HAS a publié récemment une recommandation de bonne pratique intitulée « délivrance de l’information à la personne sur son état de santé » : la nécessité de « tact, de temps et de la disponibilité ainsi qu’un environnement adapté » y est soulignée. Le CISS, pour 2012, souligne que 87 % des patients souhaiteraient pouvoir se référer à des critères de qualité des soins hospitaliers pour s’orienter. Ainsi, les pouvoirs publics ont mis en place le programme PLATINES d’information sur les établissements hospitaliers.

L’information des usagers est capitale en ce qu’elle permet de les associer au processus de soin et de respecter leur autonomie et leur choix, pour les aider à s’orienter au sein de l’offre de soins, mais également de jouer un rôle collectif au travers de leurs représentants au sein des instances auxquels ils participent.

Les usagers sont appelés à intervenir en tant que promoteur des droits des patients et de la qualité à travers l’ensemble des instances auxquelles ils participent

L’émergence de la représentation des usagers s’est faite progressivement. C’est la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales qui initia ce mouvement de montée en influence des usagers dans les organes de santé et qui posa la question de leur représentation. En vertu de son article 17, les usagers, les familles des mineurs admis et les personnels étaient obligatoirement associés au fonctionnement des établissements visés par la loi. Toutefois, ces dispositions n’ont pas été transposées pour les hôpitaux, où on considérait encore que les usagers étaient représentés par les élus locaux (le maire étant le président du conseil d’administration de l’établissement). C’est à partir de la loi du 31 juillet 1991 que l’on peut observer la mise en place d’une représentation des usagers à l’hôpital. Ainsi, ce texte prévoyait la désignation de représentants des familles dans les unités de long séjour des hôpitaux recevant des personnes âgées (art. L. 6143-5 CSP).

Ce mouvement sera poursuivi par l’ordonnance hospitalière du 24 avril 1996, qui impose la désignation de représentants des usagers au sein des conseils d’administration (devenus conseils de surveillance) des établissements publics de santé avec voix délibérative. Aujourd’hui, le conseil de surveillance est réparti en trois collèges : le premier est celui des collectivités territoriales ; le second des personnels ; le troisième réunit les personnes qualifiées et les représentants des usagers.

Ultérieurement, et par voie réglementaire, il a été prévu que des représentants des usagers soient également membres des commissions de conciliation (devenues commissions des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge avec la loi du 4 mars 2002). Elles ont « pour mission de veiller au respect des droits des usagers et de contribuer à l’amélioration de la santé ». Cette commission est « consultée sur la politique menée dans l’établissement en ce qui concerne l’accueil et la prise en charge, qu’elle fait des propositions en ce domaine et qu’elle est informée de l’ensemble des plaintes ou réclamations formées par les usagers de l’établissement ainsi que des suites qui y sont données » (Art L. 1112-3 du CSP). Marie-Laure Moquet-Anger (droit hospitalier) résume leurs missions à : vigilance, alerte, impulsion en matière de qualité de l’accueil et de la prise en charge. De plus, les CRUQPC produisent un rapport annuel envoyé aux ARS et aux conférences régionales.

Plus récemment, la loi du 21 juillet 2009 a prévu la présence d’un représentant des usagers dans les commissions de l’activité libérale à l’hôpital public.

La représentation s’est donc concrétisée dans l’ensemble des établissements de santé. Il convient toutefois de préciser, que les représentants des usagers proviennent essentiellement d’associations agrées. La loi du 4 mars 2002, faisant suite aux réflexions des associations de malades et d’usagers exprimées au cours des États généraux de la santé (1998-1999), a donné un statut légal spécifique aux « associations, régulièrement déclarées, ayant une activité dans le domaine de la qualité de la santé et de la prise en charge des malades » (art. L1114-1, CSP). Elles peuvent être agréés, après avis conforme d’une commission nationale de l’agrément, et dans ce cas, peuvent représenter les usagers du système de santé dans les instances hospitalières ou de santé publique. Selon la DGS, environ 11 000 sièges sont voués à la représentation des usagers dans les instances hospitalières et de santé publique. Cet agrément, nécessaire, a permis de légitimer les associations des usagers et a contribué au développement de la représentativité au sein des instances de l’hôpital.

On peut, enfin, citer l’importance des représentants des usagers dans des organes certes extérieurs à l’hôpital, mais qui peuvent potentiellement l’influencer : leur rôle au sein des conférences régionales de la santé et de l’autonomie, de la conférence nationale de santé ou encore des commissions régionales de conciliation et d’indemnisation est ainsi notable.

Toutefois, malgré la multiplication des organes contenant des représentants des usagers, leur influence reste limitée. La capacité d’influence des représentants des usagers est très limitée au sein du conseil de surveillance : il ne détient ni pouvoir d’arbitrage, ni pouvoir de blocage. Le conseil de surveillance dispose, en réalité, de pouvoirs très limités comparés au directeur d’hôpital. De plus, les compétences des représentants des usagers sont souvent limitées comparées aux décideurs. Quant aux CRUQPC, elles sont dépourvues de tout moyen juridique, qu’il s’agisse de pouvoir de décision ou de pouvoir de conciliation. Elles sont, en outre, peu connues. Un baromètre du CISS indique que seuls 88 % des personnes interrogées connaissaient leur existence.

Dans son rapport annuel de 2012, sur l’hôpital, l’IGAS indique que les représentants des usagers ne « disposent pas d’une information structurée, synthétique et comparative ». Le même texte indique qu’il serait souhaitable de s’inspirer de la Grande-Bretagne, qui a mis en place un dispositif de comptes qualité transparents produits par les établissements. Cela permettrait, en effet, d’optimiser l’action des représentants des usagers à l’hôpital public. La place de l’usager dans les processus d’évaluation et de décision à l’hôpital semble mériter en effet d’être accentuée, en ce qu’elle permet aux soignants de prendre de la distance par rapport à leurs pratiques.

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