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Droits de l'homme : la crise de la cinquantaine

par Matt 14 Décembre 2016, 09:03

Assemblée de l'ONU ayant rédigé la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme

Assemblée de l'ONU ayant rédigé la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme

Quel constat 50 ans après la proclamation de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme ?

 

Qu’est ce que le principe d’ingérence ? Lors de la rédaction de la déclaration, les représentants de chaque pays réunis en comité autour d'Eleanor Roosevelt n'ont pas réussi à se mettre d'accord, ce qui a fait qu'ils se sont davantage penché sur ce qui devrait être plutôt que sur ce qui était. Désaccord en ce qui concernait Dieu dans l'énoncé des articles. C'est le sécularisme qui l'a emporté. Les silences pragmatiques, induit par ses désaccords, aux questions les plus graves ont permis à ces représentants de souscrire plus facilement à ces droits. Ainsi « l'universalité tant vantée de la déclaration se nourrit autant de ce que les rédacteurs ont abandonné que ce qu'ils ont conservé ».

 

Il semblerait que celle-ci dénoncent implicitement l'Holocoste. La Déclaration imaginait un monde où sous l'ordre civil et politique existait un ordre naturel. Mais au regard des exactions commises lors de l'Holocoste, on peut en douter. Apparaît un paradoxe : la Déclaration tente de réaffirmer l'idée des droits de l'homme au moment précis où l'on découvre qu'ils n'ont aucune efficacité morale. Si ces principes sont dits universels, il y a peu de chance toutefois qu'ils puissent s'appliquer partout comme au Kosovo par exemple. Sans l'Holocoste il n'y aurait donc pas eu de Déclaration mais il nous interdit toute foi inconditionnelle dans la Déclaration.

 

La Déclaration et son contexte

 

Si les rédacteurs avaient attendu quelques mois, la Déclaration n'aurait pas été écrite. La Guerre Froide aurait anéantit le projet. D'une manière générale, elle a été rédigée et promulguée avant que des évènements ne montrent qu'elle est difficile à appliquer. Le facteur déclencheur de la Déclaration en 1948 est que l'Occident était encore uni : « Le discours progressiste des vainqueurs de la Seconde Guerre Mondiale constitue comme l'armature intellectuelle du comité de rédaction ». Cinq ans plus tard, ce discours progressiste s'est amenuisé, les politiques progressistes étant sur la défensive. Les Etats-Unis ont par la suite empêché de faire de la Déclaration un texte contraignant car ils le voyaient comme un obstacle gênant à la poursuite de leur politique impérialiste. Entre 1948 et 1975 (accord d'Helsinki), on a observé deux cultures des droits de l'homme (une socialiste, une capitaliste) qui ont empêché de rendre universels ces droits de l'homme.

 

Ce sont surtout les ONG comme Amnesty International, créée en 1961, qui ont le plus agi pour le respect des droits de l'homme. Les Etats étaient encore trop tenus par le principe de souveraineté. Petit à petit, elles sont arrivées à faire bouger les Etats sur cette question.

 

Une idéologie des droits de l'homme?

 

Pour Anderson, l'universalisme a été bridé par le capitalisme et la promotion des droits de l'homme aurait servi celle du capitalisme. L’émergence du marché global a aidé à leur diffusion : volonté des individus d'accéder à la reconnaissance des droits de l'homme du fait des indécences et indignités de ce marché. Mais dignité à laquelle ils aspirent n'est pas nécessairement dérivée des modèles occidentaux : femmes de Kaboul qui veulent combiner le respect de leurs traditions avec certaines prérogatives plus « universelles » (droit à l'éducation, médecine du travail…). Les droits de l'homme seraient une idéologie imposée par des élites internationales qui se croiraient chargées de sauver le monde. Or pour Ignatieff, ce sont les peuples eux-même qui aspirent au respect des droits de l'homme : « les droits de l'homme sont peut-être devenus une affaire globale, mais ils sont aussi une affaire locale ». Traditions culturelles et droits de l'homme, quelque que soit leur degré d'individualisme peuvent se combiner.

 

L’engouement et la popularité de ces droits de l'homme se voit dans les accords d'Helsinki : le contenu des articles n'a pas été dicté par les ministres mais par des organisations privées provenant de la société civile. Après les accords d’Helsinki, on voit la capitulation de la version socialiste des droits de l'homme : plus deux culture mais qu'une seule.

 

Toutefois, un demi siècle après leur proclamation : droits de l'homme traversent une « crise de la cinquantaine » (Morsink). Les « droits » ne cesse d'augmenter (cf. droit au développement), cependant, l’inflation des droits aboutit à une dévaluation du langage des droits. Traités, organisations, moyens mis au service des droits de l'homme se multiplient mais l'ampleur et le volume des violations ne diminuent pas pour autant : rançon du succès et signe d'échec. La diffusion mondiale de la pensée des droits de l'homme n'a pas pu empêcher celle de la « culture de la mort » (Boutros Boutros-Ghali) comme l'ont montré les situations au Cambodge, Soudan, Bosnie Tchétchénie, Kosovo.

 

Cette crise, dûe en partie à l'écart entre ce que les Etats disent et ce qu'ils font, est aussi une crise philosophique du fait du caractère profane de la Déclaration et de la résurgence des croyances religieuses. Toutefois les critiques envers une Déclaration dépourvue de fondement religieux viennent aussi de l'Occident : les droits de l'homme ne peuvent se justifier sans s'appuyer sur une théologie et notamment pour expliquer pourquoi les êtres humains ont « le droit d'avoir le droit ». Cependant, il n’est pas évident que les droits de l'homme aient besoin de faire appel à l'idée du sacré. Croire que l'homme est sacré ne donne pas nécessairement plus de force à ces lois. Mais le contraire est souvent vrai : persécutions et actes de torture trop souvent commis au nom d'un but sacré.

 

De là que provient la force d'une éthique purement profane de la Déclaration : aucun but sacré ne peut justifier d'infliger à des êtres humains des traitements inhumains.

 

Vision sacrée, vision profane

 

La vision profane des droits de l'homme se fonde sur la réciprocité morale. Chacun possède une conscience et veut être libre de décider de qu'il pense. Pour le prix Nobel Amartya Sen, les droits civils et politiques, s'ils sont garantis, donnent aux hommes le pouvoir de défendre bien d'autres revendications. Le droit à la liberté de parole pourrait ainsi être la condition sine qua non pour jouir de tous les autres droits, sinon la simple possibilité de survivre.

 

Cette défense profane laisse insatisfaits les penseurs religieux. Par conséquent, à l'occasion de ce cinquantième anniversaire : efforts pour prouver que les fondements moraux de la Déclaration Universelle sont issues des dogmes de grandes religions du monde. DU : sorte de résumé de la sagesse accumulée par l'humanité au cours des âges. Pour Paul Gordon Lauren : « la richesse morale de chaque être humain est une croyance qui n'appartient en propre à aucune civilisation, aucune personne, aucune nation, aucune zone géographique ou aucune époque ». Origine européenne des droits de l'homme : la primauté historique ne confère aucune supériorité morale. Pour Jack Donnelly, la fonction historique de la Déclaration n'était pas de donner une valeur universelle à des valeurs européennes.

 

Les droits de l'homme remis en cause par le comportement des Etats-Unis qui semble vouloir faire cavalier seul puisque se présentant comme la plus puissante nation du monde, comme la seule superpuissance. Les Etats-Unis mènent une politique des droits de l'homme très influencée par ses propres minorités religieuses.

 

Le paradoxe américain

 

Les Etats-Unis jouent à l'étranger les champions des droits de l'homme alors qu'ils ont une certaine indifférence à l'égard des normes légales internationales (cf. refus pour la création d'une Cour pénale internationale alors qu'elle pourrait être la plus importante institution du siècle pour la défense des droits de l'homme). Rieff pense qu'il vaut mieux utiliser le recours à la force que les méthodes plus pacifique telle la DU. Il tend à penser que les défenseurs de la Cour veulent substituer la dissuasion judiciaire à l'usage de la force. Il met en doute la capacité des droits de l'homme à tenir la barbarie à l'écart du monde contemporain.

 

[1] Esprit, août-septembre 1999

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